Patrick de Gmeline qui a publié une trentaine de livres, a consacré des
années de recherche à cette figure d’Église qui lui parle depuis son
enfance.
« François de Sales, le gentilhomme de Dieu »
Chez Omnibus, une biographie publiée en janvier 2018.
A la
sortie d’une messe, une paroissienne qui sait mon attachement à François
de Sales, m’offre un cadeau que je m’empresse d’ouvrir. Je reconnais
forcément le portrait de la première de couverture et le titre me sourit :
« François de Sales, le gentilhomme de Dieu. »
Là j’ai
devant les yeux 672 pages de Patrick de Gmeline, historien militaire
français ! Tout de même, si François de Sales gentilhomme est d’abord
écuyer, je me demande, si je me lance dans cette lecture ! Mais un cadeau
cela s’honore ! Voilà, mes débuts de nuit seront occupés à arpenter une à
une ces pages ! Et un cadeau, c’est comme le train, ça en cache souvent un
autre ! Pour sûr, ces 760 grammes de papier sont infiniment moins lourds
que tant de pages... mais surtout voilà un trésor. Ce fut en tout cas un
vrai bonheur de me replonger dans la vie de François de Sales, à travers
cette nouvelle biographie.
Ce livre
est paru au lendemain de la fête de F. de Sales ! La date de sa fête aurait
du être fixée le 28 janvier jour des Saints Innocents et jour de sa mort sur
terre ou plutôt jour de son « baptême » au ciel , comme de coutume ! Mais
pour François de sales il n’en fut pas ainsi, on choisit d’abord le 29
janvier jour où ses restes furent enfin transportés en Savoie,
solennellement ensevelis à Annecy le 29 janvier 1623 ! Plus tard la date
sera avancée au 24 janvier, se voulant toujours correspondre à la
translation de son corps dans sa chère « Nessy »
Patrick de
Gmeline ne se contente pas des deux dates butoirs, 1567-1622, pour laisser
courir sa plume. Le travail sur la généalogie de la famille de Sales et les
recherches sur l’après 1622, incluant les procès évoqués, palpitant et
remuant, et lançant des passerelles jusqu’à aujourd’hui. Si l’auteur parle
du Centre St François à Thonon (malheureusement en décembre 1994 le
centre est fermé et la Chapelle Saint Etienne demeure, même si ses deux
cloches, Christophe et Egeiros, bénies le 27 mai 1990 ne sonneront plus ! )
pour autant l’auteur n’oublie pas de citer, un presque livre- jumeau, (dec.2017)
« Saint François de Sales, aventurier et diplomate » trouvant ce roman
historique, « intéressant et parfois déroutant » et lâchant à son auteur :
« Bravo au Père Michel Tournade, il fallait oser.... »
Patrick de
Gmeline se lit bien. J’ai toujours peur dans les livres historiques qu’on
s’emberlificote entre les thèses hypothétiques et leurs interprétations
multiples et infinies... Rien de tel ici, l'approche du Gentilhomme de Dieu
est agréable, l’histoire est fluide, l’écriture intense et renseignée,
l’auteur a la dextérité du conteur !
Patrick de
Gmeline m’a permis de relire la vie de ce Savoyard d’exception, dont
Monseigneur d’Orléans ([1]), un
autre savoyard qui disait, il y a 150 ans : « Si l'on veut trouver la
justesse du jugement, la délicatesse des manières, la suavité de la foi, il
faut aller en Savoie,» entendu, nous croiserons son grand saint qui est « de
toute façon savoyard de naissance et d’obligation » Dans ce livre, François
de Sales, gentilhomme de Dieu, apparaît comme un être d’exception et
l’auteur nous fait la confidence de l’avoir découvert, à travers des scènes
peintes dans le couloir entre deux églises, de son enfance. Les deux tomes
« Saint François de Sales » du chanoine Trochu (1941) est abondamment cité,
signe que ces volumes d’un « historien de haut vol » n’ont jamais cessé de
lui parler.
Cette
nouvelle biographie permet une approche de François de Sales, gentilhomme,
'à cheval' entre XVIe/XVIIe siècle en le resituant dans la mentalité de son
époque, dans les fils complexe du politique, du religieux et de la vie "des
Eglises" marquée, ébranlée par la Réforme. Patrick de Gmeline nous fait
toucher ce "Sitz im Leben" littéralement : « situation dans la vie, » et
donc arrière-fond social, politique et culturel de la Savoie et de la
France. En quelque sorte il atténue la difficulté du lecteur salésien,
parfois dérouté par l’écriture de François de Sales, en un siècle où la
langue française n’a pas encore la forme que nous lui connaissons
aujourd’hui.
L’auteur
de ce livre parle de François de Sales ! Sans que le préfixe saint
n’apparaisse. De fait, le livre révèle bien un gentilhomme, un homme noble
de naissance et jouissant d’une perfection et excellence ! L’auteur avertit,
son livre est biographie et non hagiographie, il est heureux de le parcourir
ainsi sans les anecdotes hagiographiques, pour une approche authentique, à
l’origine de l’histoire et proche du quotidien à travers les grands moments
comme les petits faits (la lecture m’en a révélé quelques-unes qui
m’étaient inconnues, réveillées d’autres oubliées et confirmées nombre
d’entre elles...) Quant aux grands moments, ils font la grande Histoire ! Ne
venez pas y chercher de la spiritualité mais une étonnante humanité au
quotidien, qui est peut-être quand même une spiritualité du temps présent !
Au fur et
mesure que l’on tourne les pages, on sent comment François de Sales est
ancré dans son temps et comment il a vécu dans « l’entre-deux » fécond :
entre son
monde de gentilhomme qu’il a toujours été sien et ces hommes et femmes de
toutes conditions, auxquels il s’est attaché ;
entre la
France et la Savoie, jusqu’à avoir des problèmes avec son Duc ;
entre son
père de la terre qui lui désirait la robe rouge de sénateur et son père du
ciel pour lequel il ne rêvait que de la robe noire du prêtre et qui a fini
par virer au violet ;
entre la
paix et la réalité de l’amour de Dieu, radical et libérateur, finalement
trouvées après les tourments de Paris et Padoue, jusqu’à aimer simplement,
indépendamment ;
entre son
physique colossal (entre 1m85 et 1m97, et un gros ventre...) sur lequel
l’auteur insiste tant, et une santé qui a ses fragilités, ses angoisses, ses
colères... depuis sa naissance prématurée.... jusqu’à la mort dans le froid
de Lyon ;
entre la
recherche d’écoute, de dialogue et de sérénité avec les « hérétiques » et
toute une vie baignée dans les querelles et controverses avec les
calvinistes de véritables ennemis c’est à dire au sens littéral « qui
sont contraires à lui ! »
En
conclusion, cette biographie présente « le » gentilhomme de Dieu, qui nous
engage, moins à l’admiration ou à l’imitation qu’à l’attrait d’une certaine
bonté naturelle et paisible de l'homme. L'auteur voudrait-il nous dégager
des peurs et des angoisses de ce monde et nous tirer vers une confiance dans
l'homme ? Bonne lecture ! Thierry Mollard osfs